28 03 24

Les Faussaires

Un film de Stefan Ruzowitzky

Berlin, 1936. Salomon Sorowitsch, faussaire juif de génie, est arrêté par la Gestapo et interné à Mauthausen. Mais Sally est ensuite transféré dans un camp de première classe à Sachsenhausen : avec le soutien d’experts triés sur le volet parmi les prisonniers juifs, Sorowitsch est désormais chargé d’imprimer à grande échelle des devises étrangères. Si leur travail n’est pas couronné de succès, les faux-monnayeurs seront exécutés. Il ne s’agit plus de sauver sa peau à tout prix mais d’interroger sa conscience.

Le réalisateur autrichien Stefan Ruzowitzky signe, avec Les Faussaires, non pas un film sur les camps de concentration ou sur la Shoah, mais bien un thriller dont l’action se situe dans un camp et dépeint, comme dans ses films précédents (Tempo, The Inheritors et Anatomie), des personnages contraints de choisir entre leurs idéaux et la nécessité de survivre dictée par la cruauté du monde. Mais le réalisateur s’inspire cette fois d’un fait réel. L’histoire retrace l’itinéraire exceptionnel d’un groupe de juifs déportés forcés de participer à l’opération Bernhard, un plan nazi de grande échelle visant à ruiner l’économie de la Grande-Bretagne et des États-Unis en les inondant de fausses devises.

Le parcours de Salomon Sorowitsch, expert juif en fausse monnaie, sert de fil conducteur au récit. Arrêté à Berlin par la Gestapo en 1936, Sorowitsch est interné dans le camp de Mauthausen, pour être transféré quelques années plus tard à Sachsenhausen.

C’est ainsi qu’avec 139 autres juifs, il se retrouve isolé du reste du camps dans les baraquements 18 et 19, avec à sa disposition un atelier de contrefaçon, mais aussi toute l’attention de Berlin. Les faussaires sont choyés : ils reçoivent soins médicaux, nourriture, vêtements, matériel et même une table de ping-pong, alors qu’à quelques dizaines de mètres, dans les autres baraquements, les prisonniers continuent de mourir sous les coups de leurs bourreaux.

Adolf Burger, un des deux seuls rescapés encore vivants et dont le personnage est interprété dans le film par August Diehl, raconte : « On a fait plus de 131 millions de Livres sterling, des passeports anglais, américains, suisses, contre les Soviétiques on faisait des cartes du NKVD, et des documents du monde entier pour les espions nazis. Et puis ils ont commencé à vouloir faire des dollars. Mais pour faire des dollars, il fallait une technique différente. Et le seul acte de sabotage qu’on a pu faire a été de retarder de quelques semaines la fabrication de la gélatine nécessaire. Mais on n’a pas pu retarder longtemps parce qu’ils nous ont menacé de mort. Les deux premières centaines de billets qu’on a fabriquées était parfaites… mais c’était trop tard pour eux, les Russes étaient à 150 km de Berlin ».

L’opération Bernhard fait partie de ces dossiers passionnants qui illustrent la volonté des nazis de parvenir à la domination mondiale par tous les moyens, même les plus rocambolesques. L’intérêt ne peut être qu’attisé par le secret dont a été entourée cette opération, et ce même après la fin de la guerre. En effet, « les Anglais ont interdit que l’on parle de toute cette affaire au procès de Nuremberg. L’économie britannique aurait fait faillite si cette histoire avait éclaté au grand jour après la guerre » (Burger).

Néanmoins, certains spectateurs ont avancé que la Shoah ne devrait pas servir de décorum à ce qui reste avant tout un thriller, ce à quoi le réalisateur objecte : « Pour le public d’aujourd’hui, montrer les choses de façon documentaire ne suffit plus. Nous avons le devoir de parler de l’Holocauste et notre responsabilité morale est de toucher le public le plus vaste possible. Donc oui, un film sur l’Holocauste peut être distrayant et intéressant dans le meilleur sens du terme. Et je n’aurais jamais osé prétendre pouvoir montrer l’horreur quotidienne d’un camp normal ».


Des cartons entiers de billets, fabriqués dans « l’atelier du diable » et jetés à l’eau par les nazis en déroute, ont été retrouvés en 2002 dans le lac de Töplitz, dans les Alpes autrichiennes. Adolf Burger était présent, il conserve toujours chez lui quelques exemplaires des billets qu’il a fabriqués 60 ans plus tôt.

Adolf Burger, profession : faussaire

Né en Slovaquie, typographe de formation, Adolf Burger entame sa carrière de faussaire dès 1939. Dans une imprimerie clandestine du parti communiste, il imprime pendant trois ans des faux certificats de baptême pour sauver ses coreligionnaires slovaques de la déportation ; Arrêté en 1942 à Bratislava, il est déporté à Auschwitz puis déplacé à Birkenau, où il est assigné au commando Canada, chargé de dévêtir des personne gazées. Il verra ainsi des milliers d’enfants partir en fumée en l’espace de deux heures. On lui inocule ensuite le Typhus à des fins d’expérience médicale. Il ne survivra que grâce à ses compagnons d’incarcération qui parviennent à le cacher trois semaines et à le nourrir de chocolat volé. Il est ensuite acheminé vers le camp de concentration de Sachsenhausen.

Pendant deux ans, Adolf Burger et 139 autres imprimeurs vont fabriquer des billets de banque, des documents et des timbres. Des Livres sterling d’abord, en énorme quantité, dans le cadre de l’opération Bernhard, puis des dollars américains. Transporté de camp en camp à travers le Reich avec les autres imprimeurs et l’atelier en pièces détachées, Adolf Burger arrive d’abord à Mauthausen, puis finalement à Ebensee, où les nazis voulaient exterminer les faussaires. Mais, en ce début du mois de mai 1945, les Américains ne sont plus qu’à quelques kilomètres…

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Interview d’Adolf Burger – Les faussaires
Les faussaires (VF)