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Les chars amphibies

Les blindés passent les fleuves

Au cours du second conflit mondial, le char devient l’acteur principal de la guerre de mouvement, mais en dépit des qualités de franchissement que lui confèrent ses chenilles et sa puissance mécanique, certains obstacles naturels et artificiels sont en mesure de stopper ce mastodontes d’acier. Les ingénieurs vont réaliser des prouesses techniques pour leur permettre de les franchir. Permettre à un char de traverser une étendue d’eau en est une. 

Le Japon

L’armée japonaise est la première à s’intéresser aux véhicules blindés amphibies. A partir de 1928, plusieurs prototypes sont élaborés : le SR-II, le type 1 Mi-Sha et le type 92 A-I-Go. En 1940, la Marine impériale prend le relais et conçoit un blindé amphibie capable d’accompagner et de transporter ces forces d’assaut qui vont prendre part aux opérations de débarquement sur les îles du Pacifique qui commenceront une année plus tard.

Conçu sur la base du char léger type 95 Ha-Go, le type 2 Ka-Mi est le premier opérationnel. Après avoir été rendu étanche, le véhicule est doté de caissons de flottaison en forme de proue et de poupe. Ils sont compartimentés afin de réduire les dommages causés par les projectiles. La propulsion dans l’eau est assurée par deux hélices entraînées par le moteur principal. Il atteint la vitesse de 10 km/h pour une autonomie de 150 kilomètres. Les chars sont mis à l’eau depuis des navires ou des barges de débarquement en mer et une fois à terre, les caissons sont largués pour permettre au char d’évoluer librement. Faiblement blindé, il est armé d’un canon de 37 mm et de deux mitrailleuses Type 97. La production est lancée en 1942, mais seulement 184 unités sortiront des usines.

Dérivé du type 1 Chi He, le char type 3 Ka-Chi est utilisé pour la première fois au combat contre les Marines à Kwajalein (1944) ; toutefois, seulement 19 unités seront produites pendant le conflit. Certains de ses chars seront utilisés plus tard comme pillbox dans les îles du Pacifique. Le type 4 Ka-Tsu, était quant à lui un véhicule de transport amphibie développé par IJN.

Le Japon a beaucoup plus développé les blindés amphibies que la plupart des autres belligérants. Certains peuvent être transportés sur le pont des submersibles, d’autres peuvent lancés des torpilles accrochées sur leurs flancs.

L’Allemagne

De son côté, l’Allemagne développe deux blindés amphibies dans le cadre du déclenchement de l’opération Seelöwe (Sealion). Le Schwimmpanzer II est un Panzer II modifié pour recevoir le système de flottaison élaboré par l’usine Gebr. Sachsenberg. Les deux imposants flotteurs attachés de part et d’autre du châssis sont conçus pour pouvoir être détachés à l’aide de petites charges explosives une fois arrivé à terre. Le système de propulsion permet au char de se mouvoir en surface à 10 km/h. Ces chars sont mis en service au sein du 18. Panzer Regiment, mais après l’annulation de l’invasion de l’Angleterre, ils seront utilisé de manière conventionnelle sur le front de l’Est. Le Tauchpanzer III est quant à lui un char amphibie mais totalement submersible. Les entrées d’air, les trappes, le tourelleau, les mitrailleuses sont obturées par des joints étanches en caoutchouc, tandis que les échappements sont équipés de clapets anti-retour. Un long tuyau attaché à une bouée permet d’alimenter le moteur en air. Ces dispositifs lui permettent de rester une vingtaine de minutes en immersion à une quinzaine de mètres de profondeur. Les 160 unités seront essentiellement utilisées sur le front russe.

Les Britanniques

Après la désastreuse expérience de Dieppe du 19 août 1942, les Britanniques dotent des chars de systèmes de flottaison et de propulsion afin de les mettre à l’eau hors de portée des canons ennemis. En 1940, Nicholas Straussler, un Hongrois, soumet au War Office un projet de jupe en tissu escamotable capable de maintenir un char en surface. Après des essais concluants, le système DD (Duplex Drive) est mis en fabrication et adapté sur des Valentines. En 1942, le général Hobart insiste pour qu’il soit monté sur des Sherman. Dans l’eau, deux hélices mues par les chenilles propulsent les 30 tonnes à 4 nœuds. La caisse du char est dotée d’un pont sur lequel est accroché une jupe en toile imperméable. Elle se dresse à l’aide de tuyaux en caoutchouc gonflés à l’air comprimé. Des cadres métalliques permettent de rigidifier la structure. Arrivé sur la plage, la jupe est abaissée et le char peut appuyer l’infanterie de son canon et de ses mitrailleuses. En outre, la masse de leur blindage offre un abri salvateur aux fantassins. Le 6 juin 1944, les Sherman DD sont utilisés par les Américains et les Britanniques avec plus ou mois de succès en raison de la mer houleuse.

Les chars amphibies sont utilisés de manière discrétionnaire par les différentes nations en guerre. Compte tenu de leur poids, leur mise en œuvre reste délicate. Les véhicules légers (Schwimmwagen ou Jeep GPA) et de transport ont été adaptés de la même façon. Ils auront un rôle important à jouer comme les LVT (LVT1 Alligator ou LVT Buffalo) dans le Pacifique ou le DUKW en Normandie et lors de la traversée du Rhin. Durant l’après-guerre, le corps des Marines américain va mettre en œuvre un corps mécanisé entièrement adapté à la guerre amphibie.