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Le Labyrinthe de Pan

Un film de Guillermo del Toro

L’Espagne en 1944 est un décor de cauchemar. Le franquisme s’est installé avec l’aide de Mussolini et d’Hitler, et s’est consolidé grâce à la politique de non-intervention adoptée par les gouvernements anglais et français.

La Guerre Civile est finie depuis plus de quatre ans. Une partie des combattants ont pris le Maquis, et organisé des réseaux de résistance, afin de faciliter le passage de leurs camarades vers la France, comme le réseau O’Leary.

La violence fait partie de l’être humain et possède de multiples visages. Le fascisme en est un des pires, car il est très contemporain de notre monde ; nous continuons d’en vivre les effets aujourd’hui encore… Sa philosophie pourrait se résumer à : Soit tu es avec nous, soit tu es contre nous…

Guillermo del Toro

Du demi-million de combattants républicains qui fuirent leur pays au lendemain de la prise de Barcelone par les Nationalistes, certains furent capturés, internés dans des camps, puis livrés par le gouvernement Dalladier à Franco pour être fusillés. D’autres tentèrent de s’organiser afin de créer un gouvernement en exil, rejoinrent la Résistance française et combattirent dans les Maquis du Sud-ouest, où participèrent à la Libération de Paris dans la 2e DB de Leclerc, après que de Gaulle leur ait promis (ndlr : peut-être oralement) de faire tomber le régime de Franco.

Durant l’été 44, reprenant un peu d’espoir face au recul des forces de l’Axe, et malgré de violentes dissensions politiques qui empêchent les différents groupes de s’unir efficacement, environ 4 0000 républicains se rassemblent dans les Pyrénées afin de tenter une offensive militaire, mais à 1 contre 10, l’opération « Reconquista de Espana » se soldera par un échec.

Cauchemar à tous les étages

C’est dans cette ambiance désespérée que se situe le nouveau film de Guillermo del Toro. Ce réalisateur mexicain avait déjà tourné en Espagne le magnifique film L’échine du diable, qui lui aussi mettait en scène un enfant face à la violence du franquisme. Mais si L’échine du diable se déroulait dans une campagne désertique, Le Labyrinthe de Pan (2006 – El laberinto del fauno) se situe dans les forêts humides du nord du pays, riches en mégalithes et pétroglyphes inquiétants, reflets des anciens cultes lunaires des Celtibères. L’enfant Ophélia accompagne sa mère enceinte qui part rejoindre le général Vidal, franquiste tyrannique et violent qu’elle a épousé après la mort du père d’Ophélia. La fillette, sensible et fragile, échappe à la violence de son beau-père et du monde qui l’entoure en se réfugiant dans le monde des fées dominé par Pan, qui lui assigne des missions, et lui offre des récompenses.

Le Labyrinthe de Pan n’a pourtant rien d’un film pour enfant ou d’un conte de fées. La violence des images et du scénario l’interdit en effet au jeune public (moins de douze ans). Si le temps du film se partage entre le monde réel et le monde des fées, les monstres inquiétants qui peuplent ce dernier apparaissent chacun comme une transposition du monde réel : le crapaud qui se vomit sur lui-même évoque l’accouchement sanglant de la mère, un démon blafard et pédophage siège près d’un tas de chaussures d’enfants qui évoque les camps de la mort… Pan lui-même, incarnation de la Peur (là panique des champs de bataille antique), s’il fixe les règles, devra à ce titre être lui aussi affronté par l’enfant, incarnant ici l’innocence massacrée. Mais le véritable monstre du film reste le bien réel Vidal, traqueur de maquisards, bourreau et meurtrier sadique dont la seule préoccupation est l’héritier mâle qu’il désire à tout prix, projection de lui-même dans l’avenir et par la-même seul être qui trouve grâce à ses yeux. Comme l’escalier antique qui lui donne accès au monde des fées, c’est une autre spirale, celle de la violence, qui ramènera toujours Ophélia à la réalité tragique de la guerre et de la mort.

On le voit, Le Labyrinthe de Pan est avant tout un film anti-fasciste, où l’action est métaphorique. L’enfant, malgré sa pureté, ne peut échapper à la prise de responsabilité en se réfugiant dans l’espoir d’une hypothétique fuite vers un monde meilleur. Il lui faudra d’abord vaincre la peur, mécanique primale du fascisme, et agir, à son niveau, en prenant position et en se dressant contre la tyrannie, qui à y perdre la vie.


Reportage sur France 2 (INA) et bande-annonce

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