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Cinq mots forts de la propagande nazie

Cinq mots forts de la propagande nazie. Klincksieck

Le monde politique allemand n’a pas compris que la prise du pouvoir d’Hitler le 30 janvier 1933 allait plonger l’Allemagne dans la brutalité et la guerre. L’incendie du Reichstag et la répression qui suivit n’ont pas alarmé la population allemande ni les démocraties voisines.

Cinq mots. Il aura suffit de cinq mots pour un coup de maître politique et diplomatique : Terror, Emigrant, Separatist, Gift (poison) et Element. Tels sont les mots relevés dans la presse nazie mais aussi dans Mein Kampf, par l’historien Ralph Keysers, pour expliquer le triomphe électoral d’Hitler lors du plébiscite du 13 janvier 1935 concernant la Sarre. Ces cinq mots sont les armes d’une formidable machine à persuader, un « réarmement rhétorique » avant le réarmement total du pays.

Dans un ouvrage passionnant, Ralph Keysers décrypte le langage national-socialiste et son impact sur les Allemands. S’inspirant des travaux du professeur Klemperer, licencié après l’arrivée des nazis au pouvoir, Keysers revient sur la charge émotive des mots utilisés par Hitler et la formidable capacité du Führer à façonner l’esprit des Allemands qui se sont progressivement appropriés ce vocabulaire. Viktor Klemperer avait observé dès 1933 le vocabulaire utilisé par les nazis, mais aussi l’élimination progressive d’une culture par le langage. Un extrait de son journal fut publié sous le titre Lingua Tertii Imperii (LTI), La langue du IIIe Reich.

« Là où l’on fait violence à l’homme, on le fait aussi à la langue ». Ces mots de Primo Levi résument à eux seuls la formidable capacité de destruction du national-socialisme. Car les nazis ont réinventé un vocabulaire ; ils ont germanisé, jusqu’à l’absurde, une multitude de termes considérés comme « non-aryens » ; ils ont déformé, manipulé, dévoyé la langue, et masqué l’horreur grâce à leur maîtrise des mots.

Le plébiscite pour le rattachement de la Sarre au Reich est le premier triomphe en politique étrangère d’Hitler et de sa propagande. Ralph Keysers reprend ces cinq mots dans autant de chapitres très instructifs, déroutants, qui nous mènent au coeur de la machine linguistique nazie. En outre, des tableaux terminotiques des mots étudiés permettent de suivre les enchevêtrements et les liens qui existent entre les différents termes. Des tableaux de composition lexicale sont également présentés pour les lecteurs non germanistes.

Cinq mots forts de la propagande nazie. Klincksieck. 210 pages, 19 €.