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Benoît Rondeau – Le soldat britannique

Le vainqueur oublié de la Seconde Guerre mondiale

Enseignant, historien de formation, ancien chercheur à la Fondation pour la mémoire de la déportation, Benoît Rondeau est spécialiste de la Seconde Guerre mondiale. Passionné des campagnes d’Afrique du Nord et d’Europe de l’Ouest, il s’intéresse à la grande stratégie et à la vie quotidienne du militaire. Il est l’auteur notamment de Afrikakorps – L’armée de Rommel (Tallandier, 2013), Invasion ! Le Débarquement vécu par les Allemands (Tallandier, 2014) et Être Soldat de Hitler (Perrin, 2019). Cette année, il élargit le point de vue avec Le soldat britannique – le vainqueur oublié de la Seconde Guerre mondiale (Perrin).

Axe & Alliés : Comment te présenterais-tu en quelques mots à un parfait inconnu ?

Benoît Rondeau : Normand et enseignant, je suis passionné par l’Histoire depuis toujours, en particulier la Seconde Guerre mondiale, une passion qui s’explique largement par le fait d’avoir grandi auprès des vestiges du Jour J et avec les souvenirs de témoins de cette époque, une époque tragique, mais passionnante.

A & A : En tant que père et enseignant, que penses-tu que les générations futures peuvent apprendre de l’étude de la seconde guerre mondiale ?

Cette guerre constitue indubitablement la période qui retient le plus l’attention des jeunes, même si mon constat est biaisé par le fait que je vive en Normandie.
Néanmoins, cela suppose de s’adapter à une génération habituée à toutes les formes de la modernité, en particulier sur les sites historiques. Il reste qu’il va leur manquer quelque chose d’essentiel : le contact direct avec les témoins…

A & A : Tandis que les archives sont de plus en plus connectées et que de nombreux amateurs publient leurs travaux, quelle place reste-t-il pour l’historien professionnel ?

Pour ce qui est de l’histoire militaire de la Seconde Guerre mondiale, on ne peut évidemment pas se limiter à l’université française…
L’historien professionnel restera toujours indispensable, car il a la formation et le bagage intellectuel indispensables, qui font souvent défaut aux amateurs. Parmi ces derniers, trop confondent la source et la méthode : ce n’est pas parce qu’on utilise des archives ou qu’on recopie un KTB * annoté des confidences d’un vétéran devenu ami (et dont on ne remet jamais les témoignages en cause…) qu’on est un historien.

Trop sont par ailleurs plus férus de mécanique ou d’uniformes que d’histoire militaire, ou encore restent cantonnés à une microhistoire régionale sans rien connaître du reste de la guerre, des armées et des campagnes, de la stratégie.
La quantité d’auteurs amateurs marqués politiquement et incapables d’être objectifs est par ailleurs impressionnante.
Ceci étant, de nombreux amateurs s’avèrent être meilleurs que des historiens pourtant connus (qui n’y connaissent rien à l’histoire militaire, bien que spécialistes de la Seconde Guerre mondiale, cf. certaines de mes recensions) et c’est heureux que nous en ayons beaucoup dans notre pays, faute de quoi l’histoire militaire de la Seconde Guerre mondiale serait presque inexistante pour le grand public.

Ceci étant, il est bien difficile de définir un historien. En fait, ces amateurs, pour reprendre ton expression, sont aussi des historiens : disons qu’il y a des historiens professionnels et des historiens amateurs, les meilleurs dans leur domaine (surtout en histoire militaire) n’étant pas forcément ceux que l’on croit. Ce n’est pas une question de diplôme ou de fonction.
Les vrais historiens sont cependant pour moi uniquement des sommités, comme Marc Ferro ou Paul Veyne par exemple.

[* Kriegstagebuch, littéralement Journal de guerre. Équivalent dans l’armée allemande au Journal des marches et des opérations (JMO) français. NDLR.]

A & A : Quel est le malentendu le plus important que tu es parvenu à dissiper auprès du lectorat francophone ?

Je l’ignore ! Le propos de l’ouvrage est de rendre hommage aux forces de l’Empire britannique et de les faire connaître. Le lecteur non averti découvrira l’étendue de leurs talents et réussites (la qualité insoupçonnée de bien des matériels) et la variété des théâtres des opérations dans lesquels ils ont combattu. Les anglophobes ne seront peut-être pas attirés par mon livre, ainsi que les aficionados de la guerre germano-soviétique qui refusent d’admettre que d’autres fronts ont eu leur importance.

A & A : Peux-tu nous parler de ton processus d’écriture ?

J’y consacre le plus clair de mon temps et l’essentiel des nombreuses vacances que m’accorde mon métier d’enseignant. Je m’imprègne d’abord du sujet par plusieurs lectures, avec des exceptions, car certains sujets me sont déjà très familiers avant d’en débuter le manuscrit.

Je fais ensuite la liste des sources indispensables et particulièrement importantes à mes yeux et me les procure (et éventuellement quel ami historien contacter). J’entame ensuite la lecture, crayon en main et multiplie les notes, replacées chacune dans la pochette correspondant au thème de l’info.

Au bout d’un certain temps, mais assez rapidement, je commence à écrire, chapitre par chapitre, tout étant planifié sur des mois à l’avance (souvent sur une année). Je complète sans arrêt les pochettes dès que je découvre une info, parfois par hasard au cours d’une lecture a priori sans lien direct avec le sujet. Je termine en peaufinant les informations avec des ouvrages qui ne donnent que quelques éléments parcellaires ou très pointus. Vient ensuite le travail sur l’iconographie, s’il y en a une.

Pendant tout le processus, les promenades ou le simple fait de marcher pour effectuer une course sont aussi des moments de réflexion…

A & A : Parmi tes propres ouvrages, quelle est ton préféré et lequel est le plus populaire ?

Celui qui, pour l’instant, s’est mieux vendu est Invasion, qui est original car, en français, on n’avait que Ils Arrivent, très daté et erroné (et pro-nazi) comme récit de l’intégralité de la bataille de Normandie vu par les Allemands.

J’aime tous mes livres publiés chez Perrin, Ysec et Tallandier car ce sont mes choix et propositions (sauf Rommel pour lequel on est venu vers moi, mais que j’ai pris un plaisir à écrire) : j’écris en fait les livres que j’aimerais lire et qui n’existent pas. Je pense toutefois que mon ouvrage préféré est le dernier : Le soldat britannique, juste devant Être soldat de Hitler.
J’étais -et je reste- très fier de mon Patton (certes massacré par le magazine Guerres & Histoire), car il fourmille d’éléments qu’on ne trouve pas ailleurs.

Mais je dois confesser que mon rêve le plus cher, s’il ne m’avait été permis d’écrire qu’un seul livre, cela aurait été la guerre du désert, objet justement de mon premier ouvrage : Afrikakorps. Vous aurez bientôt son pendant vu du côté anglais et très illustré.

A & A : Quel projet rêves-tu de réaliser par la suite ?

Concernant l’écriture, plusieurs autres vieux rêves sont en cours chez plusieurs éditeurs : ils concernent en particulier de nouveau l’armée britannique, mais aussi l’armée américaine, mais je n’en dis pas plus.

A & A : Qui aimerais-tu remercier ?

Mes éditeurs : Christophe Parry et Benoît Yvert de Perrin et Yves Buffetaut d’Ysec. Grâce à eux, je peux enfin écrire et publier en français les livres sur l’armée britannique.

A & A : Pour conclure, que souhaites-tu ajouter pour les lecteurs d’Axe & Alliés ?

Ma récompense d’auteur est de procurer de beaux moments de lecture et offrir au lectorat français des ouvrages qui n’existent pas dans notre langue et qui contiennent des informations qui nécessitent l’achat de dizaines d’ouvrages pour y avoir accès, ce qui n’est pas à la portée du plus grand nombre, ne serait-ce que pour une question de temps (outre le coût financier afférent).
J’espère continuer à publier des livres originaux qui raviront mes lecteurs.


Liens utiles

Fiche du livre chez Perrin.

Site Web de l’auteur.

Présentation du livre Le soldat britannique dans la Gazette du wargamer.